Rêve de rêve
Automne : fraises et tomates rougissent dans les jardins, on pique-nique, on va à la plage. Est-ce un temps de Toussaint ? Je ne reconnais plus ma planète.
« Dans le rêve de l’homme qui rêvait, ai-je lu je ne sais où, le rêvé s’éveilla ». Ne suis-je pas, comme le héros de ce conte, un élément d’un monde imaginaire
fantasmé par une entité supérieure ? La jolie planète bleue bruissante d’insectes, avec des éléphants, des manchots, des ours blancs sur des banquises, existe-t-elle hors ce rêve ? Rien n’est vrai. La preuve ? Si tous ces simulacres qui m’entourent étaient vraiment des hommes, donc doués de raison, quand se raréfient le gaz, le pétrole et tout ce qui fait disparaître les insectes, les éléphants, les banquises et les ours blancs, ne songerait-on pas à se désintoxiquer de ces poisons plutôt que de se les procurer envers et contre tout ? Mais non : tels des automates programmés pour travailler à leur propre destruction, les Terriens n’aspirent qu’à poursuivre le suicide collectif. Un instinct de consommation mortifère a pris la place de la raison, jadis (selon Descartes) chose au monde la mieux partagée.
La chaleur s’éternise, de l’automne il ne reste que le vent. Tiède mais puissant ; le vent, l’ennemi du cyclo. Je suis rentrée exténuée d’une balade trop ventée, la chaleur nocturne perturbe mon sommeil :
« Il paraît que la planète Mars est balayée par des vents inimaginables… Et qu’on y trouve sous la poussière interstellaire, de la glace, donc de l’eau, de l’oxygène, de l’hydrogène, pourquoi pas des vélos ? »
Dans le rêve de celle qui rêvait, des tortues pédalaient sur Mars. En anneau, vent arrière, et les plus hardies envoyaient le spi.
La Tortue