Cyclo-camping
Le lièvre et la tortue font du vélo
Par une belle journée de printemps,
Le lièvre et la tortue ont chaussé les cale-pieds de bon matin.
Les oreilles au vent,
Sire lièvre envoie gaiment du 52/12 sur son vélo carbone.
Dame tortue
Qui a soigneusement arrimé sa carapace à l’arrière de sa randonneuse acier,
Pédale … de son mieux.
Où en sont-ils, midi venu ?
Lièvre a pris sa douche et regarde les sports à la télé.
Il se prépare moralement à tirer le meilleur profit du repas diététique
Que lui prépare sa compagne.
Car c’est un sportif.
Dame tortue a fouillé dans sa carapace. Elle déploie sa nappe à carreaux
Et y dépose des victuailles riches en graisses et en sucres
(Pas toujours lents).
- Que fais-tu donc, Tortue, que dirait Yves Yau s’il te voyait ?
Et la douche ? Le repas diététique ?
- A quoi bon ? dit-elle, n’ai-je pas la pluie et le pot de rillettes ?
- Tu ne rentres donc pas pour déjeuner ?
- Ah ! non. Je n’ai pas fait ce chemin pour le défaire. Je continue.
Je vais rejoindre mes copains. Nous allons visiter des pays lointains.
Moralité :
Quand on roule moins vite, on ne va pas forcément moins loin.
On voit des cyclos-lièvres et des cyclos-tortues.
Est-il entre eux une vraie différence
Aussi longtemps qu’ils sont, tous, des cyclos heureux ?
Typologie des sacochards
Je connais trois sortes de cyclo-campeurs, sans compter les néophytes encore en devenir.
Le Balaise est un cyclo puissant auquel le rayon d’action de son club ne suffit plus. Camper est pour lui une solution efficace pour limiter la perte de temps du repos nocturne. Il part en cuissard, pour deux ou trois semaines, voyage par étapes de 150 km ou plus avec un barda minimal qu’il tire en danseuse dans les cols.
Le Tour-du-mondiste, lui, n’a ni cuissard ni cale-pied. Il peut voyager en couple, voire en famille, pour un an ou plus, sans billet de retour ; il privilégie les contacts, dort souvent chez l’habitant, s’y attarde plusieurs jours à l’occasion. Parfois, au retour, il écrit un livre qui alimentera les rêves des Tortues.
Ces dernières constituent la troisième sorte. Ce sont des cyclos bien ordinaires qui n’ont pas eu l’idée, l’occasion, l’audace… de parcourir le monde quand ils en avaient l’âge et s’efforcent de le faire tant qu’ils le peuvent encore. Pas d’étape marathon pour eux ni d’exploit sportif mais de l’équipement – plutôt trop que pas assez – et une patience à toute épreuve.
Des chercheurs ont observé de rares hybridations ; ainsi, à l’étape, le fumet d’une popote de tortue peut révéler au balaise des plaisirs insoupçonnés. Prends garde, balaise, trop de confort pourrait t’amollir – et alourdir tes sacoches !
A l’approche du printemps, tous les cyclo-voyageurs se sentent des fourmis dans les pédales ; mais voilà que les tortues, en proie aux pires angoisses, perdent le sommeil : Là-bas, comment souffle le vent ? Le relief n’est-il pas trop rude ? Trouve-t-on du gaz pour le réchaud ? Comment alléger le chargement ? Il est trop tard pour se dégonfler mais…le projet n’est-il pas trop ambitieux ?
Pars sans crainte, brave tortue ! Tu n’es pas bien belle, ta carapace est lourde, mais comme tu te contentes de peu et que ta persévérance est sans limite, tu finiras bien par l’atteindre, cet ailleurs dont tu rêves !
Zoé
Zoé voyage et nous livre ses états d’âme tous les mois dans une rubrique intitulée « les carnets de la tortue » qui parait dans la revue Cyclotourisme.
Vous pourrez parcourir ses carnets au fil des moins, en les téléchargeant : Septembre 2017 , Octobre 2017, Novembre 2017, Décembre 2017, Janvier 2018